Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a organisé le 26 mai 2016 un briefing sur le lien entre les enjeux environnementaux et la sécurité au Sahel. La coordinatrice d’AFPAT est intervenue lors de cette session pour présenter les conséquences du dérèglement climatique et de la désertification sur la pauvreté, la paix et la sécurité dans la région du Lac Tchad.
Le changement climatique a un impact direct sur les ressources naturelles dont l’économie de ces pays dépend fortement. Au Sahel, environ 70% de la population est rurale, et vit directement de l’agriculture et de l’élevage pastorales. Les deux activités utilisent des grandes terres dont dépendent la survie des millions des gens.
Aujourd’hui Même si beaucoup de personnes vivant en milieu rural quittent les campagnes pour rejoindre les villes, la population rurale continue d’augmenter à cause de la forte croissance démographique. Au Tchad, l’agriculture produit plus de 50% de la richesse nationale.
Les effets du changement climatique sur l’agriculture au sahel sont les suivants :
- Les catastrophes climatiques, notamment les sécheresses et le manque d’eau ont un impact catastrophique sur la production agricole.
- Les sols sont dégradés, notamment parce que les périodes de sécheresses et d’inondations se succèdent rapidement, provoquant l’érosion et la destruction des sols ainsi que la perte de la biodiversité.
Cela a des conséquences directes sur la sécurité, car la raréfaction des ressources renforce les conflits entre communautés.
- Conflits pour la ressource en eau : autour du Lac Tchad, les meilleures terres sont accaparées par les nouveaux agriculteurs et éleveurs de prestige par des grandes personnalités, privant les petits cultivateurs et les éleveurs nomades d’accès aux points d’eau et d’utiliser les ressources.
- Conflits pour l’accès aux terres, entre éleveurs nomades et cultivateurs. Au lieu de travailler ensemble et d’utiliser les troupeaux pour fertiliser les champs des agriculteurs comme dans le temps, mais avec le dérèglement des saisons des pluies, les terres sont occupées par la loi du plus fort laissant apparaître des conflits pour l’accès aux terres.
- Conflits liés aux extrémismes religieux : La région du lac Tchad vit sous la menace constante de Boko Haram, qui recrute parmi les plus pauvres, notamment les jeunes, en leur proposant de fortes sommes d’argent (environ 500 dollars cash) contre leur engagement, profitant de la misère pour prospérer.
Avec tout cela on ne peut parler du développement dans cette région sans assurer la sécurité des personnes et des biens
Face à ces menaces, la paix et la sécurité au Sahel passent par la lutte contre le changement climatique et la désertification et il est urgent d’accélérer la mise en œuvre de l’accord de Paris. Il faut notamment augmenter les contributions nationales, en priorité celles des pays les plus pollueurs, car nous ne sommes pas en dessous des 2°C. Pour AFPAT, il est aussi important d’intégrer des critères sociaux et environnementaux dans la mise en œuvre de l’accord de Paris, pour éviter que certaines actions n’augmentent les problèmes. Par exemple, il faut inscrire les droits humains, et la lutte contre l’accaparement des terres dans la mise en œuvre des Contributions Nationales.
Enfin, il faut mieux associer les populations et les communautés les plus vulnérables à la mise en œuvre de l’accord de Paris, notamment au Sahel. Les projets développés doivent associer les populations dans tout le processus, pour apporter une réponse durable aux menaces qui affectent directement les personnes.
Il est ausis essentiel de développer les financements pour le Sahel, notamment pour l’adaptation qui ne reçoit que 15% des financements climat, alors que c’est une priorité pour assurer la résilience des communautés face au dérèglement climatique.
Enfin, il faut aussi faire confiance aux savoirs et connaissances traditionnels des peuples autochtones, qui peuvent apporter des solutions concrètes aux agriculteurs et éleveurs confrontés aux impacts du changement climatique.